Les nonnes bouddhistes à travers la communauté mondiale

De Karma Lekshe Tsomo

Les communautés de nonnes ont très tôt été un élément de la vie quotidienne des sociétés bouddhistes. Selon les recommandations du Bouddha Sakyamuni, la voie du renoncement est la manière la plus efficace pour atteindre la libération et de nombreuses femmes étaient attirées par cette voie, à commencer par la propre belle-mère et tante du Bouddha, Mahaprajapati Gautami. Comme d'autres renonçants à l’époque du Bouddha, les moines et nonnes bouddhistes vivaient une vie de célibat simple, limitant leurs désirs, leurs attachements et autres distractions habituelles afin de se concentrer sur leur pratique spirituelle. Libérés des engagements mondains, les renonçants bouddhistes étaient en mesure de se dévouer totalement à leurs pratiques pour atteindre la libération et l’illumination.

Les débuts et la dissémination de la Sangha des bhiksunis

L’ordre des nonnes bouddhistes a commencé lorsque que Mahaprajapati a demandé au Bouddha d’admettre les femmes au sein de la Sangha (communauté monastique). En dépit de ses hésitations initiales, le Bouddha a reconnu que les femmes disposaient de la pleine capacité de réalisation des fruits de la voie et pouvaient obtenir la libération. Avec l’approbation du Bouddha, la Sangha des bhiksunis (nonne pleinement ordonnée) a été établie seulement cinq ou six ans après l’établissement de la Sangha des bhiksus (moine pleinement ordonné). Sous la direction habile de Mahaprajapati, la communauté des nonnes prospéra et des milliers de femmes devinrent arhats (état de « vainqueur de l’ennemi »), purifiant leur esprit et se libérant de la souffrance et des renaissances. Les anciens textes bouddhistes ont retenu les noms de nombres de ces premières nonnes bouddhistes, qui ont été reconnues par le Bouddha pour leurs particulières réalisations : Khema pour sa sagesse, Dhammadinna pour ses capacités à enseigner, Nanda pour sa méditation et ainsi de suite.

La voie du développement spirituel telle qu’enseignée par le Bouddha est tout aussi efficace pour les femmes que pour les hommes et, en théorie, les femmes disposent du même potentiel pour atteindre la libération. Mais, peut-être du fait de la nature patriarcale de la société Indienne, les standards de discipline monastique pour les nonnes sont plus rigoureux que ceux des moines. Selon la tradition, Mahaprajapati a dû accepter huit règles particulières (gurudharmas) qui, techniquement, ont rendu les bhiksunis (nonnes pleinement ordonnées) subordonnées à l’ordre de bhiksus (moines pleinement ordonnés). À mesure de l’évolution de la Sangha des bhiksunis, il a été exigé des nonnes qu’elles suivent presque plus de cent préceptes de plus que les moines.

Dans la vie quotidienne cependant, les nonnes géraient elles-mêmes leurs communautés, prenaient leurs décisions librement, choisissaient leurs nouvelles membres et quand celles-ci rejoindraient leurs rangs. Les moines proposaient leurs conseils aux nonnes deux fois par mois, restaient à proximité pour les protéger durant la retraite de trois mois de la saison des pluies et participaient à l’introduction formelle des nouvelles membres de la Sangha des bhiksunis. Autrement, les nonnes bouddhistes vivaient de manière indépendante, ce qui représentait une toute nouvelle forme de libération sociale bienvenue pour les femmes. À l’époque du Bouddha, la vie de renonçante n'était pas uniquement la voie de la libération spirituelle, elle permettait également aux femmes de se soustraire aux contraintes de la vie de famille qui exigeaient une soumission totale au mari et à la belle-famille, sans compter la souffrance des naissances à répétitions et les corvées domestiques sans fin.

Il existe des preuves historiques que l’ordre des nonnes bouddhistes a survécu et prospéré en Inde durant quinze siècles. Au troisième siècle av. JC, la fille de l’Empereur Asoka, appelée Sanghamitra, fut invitée au Sri Lanka pour diriger l’ordination de la Reine Anula et de milliers de femmes Sri Lankaises qui souhaitaient devenir nonnes. Arrivant d’Inde avec un jeune plant de l’arbre de bodhi, elle établit la Sangha de bhiksunis qui continua d’exister au Sri Lanka jusqu’au neuvième siècle au moins de l’ère chrétienne. La lignée de pleine ordination pour les nonnes fut transmise en Chine au cinquième siècle, lorsqu'une bhiksuni appelée Devasara entreprit un voyage de deux ans pour Nanjing. En l’an 433, elle et ses compagnes dirigèrent une cérémonie d’ordination de bhiksunis pour des centaines de nonnes Chinoises. Cela fut le début de la Sangha de bhiksunis en Chine, qui se dissémina en Corée, au Vietnam et à Taiwan et existe encore de nos jours. Depuis quelques décennies, des femmes bouddhistes du Sri Lanka et d’autres pays ont commencé à faire renaître la Sangha de bhiksunis dans leurs propres traditions en recevant la pleine ordination d’autres lignées de bhiksunis ininterrompues au cours des siècles dans ces pays.

Semblables aux couleurs de l'arc-en-ciel

Les vies des nonnes bouddhistes varient énormément, en fonction de la tradition, du pays, du monastère et de la personne. Ces nonnes portent des robes de nombreuses couleurs, parlent des langues différentes, se dévouent à une large variété de pratiques bouddhistes et ont des styles de vie différents. Les points communs à leurs styles de vie sont un crâne rasé, des robes monastiques et des codes de discipline éthique. Les principes éthiques fondamentaux qui guident leur vie sont les préceptes communs à tous les bouddhistes : s’abstenir de tuer, de voler, de mentir, d’avoir des pratiques sexuelles condamnables, de consommer des produits intoxicants. Cependant, contrairement aux bouddhistes laïques qui doivent s’abstenir d’avoir des pratiques sexuelles condamnables, les nonnes (et moines) bouddhistes s’engagent à s’abstenir totalement de toute activité sexuelle. Leur vie de célibat signifie qu'elles ne se marient pas ou n’ont pas de relations intimes, une décision volontaire qui les libère de nombreuses responsabilités typiques à une vie de ménage.

Les nonnes bouddhistes vivent dans de nombreux pays de par le monde, du Cambodge à la Mongolie, en Suède et en Nouvelle Zélande. Leurs robes vont du blanc, orange et marron dans les pays du Theravada au gris, noir et pourpre en Asie de l’Est au bordeaux et jaune dans la région culturelle tibétaine. La gamme des langues s’étend des dialectes tribaux en voie de disparition au Bangladesh au jargon anglais contemporain de Londres. Leurs modes de vie vont de la pratique de la mendicité des quêtes quotidiennes au Sri Lanka aux festins végétariens dans les temples à Taiwan. Certaines nonnes bouddhistes s’engagent à ne pas toucher d’argent tout au long de leur vie, tandis que d’autres ont un emploi traditionnel de 9h à 17h et des emprunts. Certaines se concentrent sur une pratique de méditation solitaire, tandis que d’autres nonnes gèrent des temples très actifs et d’autres enseignent de par le monde. Certaines sont végétariennes strictes, évitant les œufs, les oignons et l’ail, tandis que d'autres mangent tout ce qui leur est offert, y compris de la viande. Beaucoup sont analphabètes et d’autres ont un diplôme de doctorat. Toute cette variété met en valeur la richesse et la complexité des nonnes bouddhistes des temps modernes.

Nonnes des traditions du Theravada

Les nonnes pratiquant dans la tradition du Theravada vivent au Myanmar, au Cambodge, au Laos, au Sri Lanka et en Thaïlande, avec des communautés plus modestes au Bangladesh, en Inde, au Népal et au Vietnam. Ces nonnes s’efforcent de suivre un style de vie comparable à celui des premières nonnes. Elles s'habillent de simples robes de cotons, vivent de la nourriture offerte par la communauté laïque et s’abstiennent de manger des aliments solides après la mi-journée. Les dasasil mata du Sri Lanka portent des robes oranges ou marrons, les tila shin du Myanmar s'habillent en rose et marron, tandis que les donchee du Cambodge, les maekhao du Laos et les maechee de Thaïlande portent du blanc. On estime qu’il y a 2000 nonnes au Sri Lanka, 60.000 au Myanmar, 900 au Cambodge, 400 au Laos et 20.000 en Thaïlande. Les nonnes observent huit, neuf ou dix préceptes. En plus des préceptes laïques indiqués auparavant, elles s’abstiennent de porter des ornements, de chanter et de danser, d’utiliser des sièges et des lits en hauteur et de manger des aliments solides après la mi-journée. Les nonnes aux dix préceptes s’abstiennent également de toucher de l'argent ou des métaux précieux mais malgré cela, elles ne sont pas reconnues comme sramanerika (nonne novice), à cause de l’absence de bhiksunis pour les ordonner.

Les nonnes de la tradition du Theravada chantent les suttas Pali et méditent une heure tôt le matin et une heure le soir. En plus de cela, elles pratiquent typiquement la méditation vipassana quotidiennement et participent périodiquement à des enseignements et des retraites de méditation. Certaines vivent une vie paisible dans la contemplation, s'éloignant volontairement des distractions et des tentations habituelles de la société. D’autres vivent dans des villages, des villes ou des centres urbains où elles répondent aux besoins de la société laïque en récitant des paritta (des chants protecteurs), recevant un soutien matériel en retour. Beaucoup d’entre elles agissent en tant que conseillères et enseignantes du Dharma, tout particulièrement auprès des femmes et des enfants et apportent un soutien considérable à de grands temples et monastères.

Jusqu’à récemment, la pleine ordination de bhiksuni n’était pas possible pour les nonnes de la tradition du Theravada. La tradition de pleine ordination pour les femmes, initialisée par le Bouddha avec l’ordination de Mahaprajapati, s’est éteinte dans certains pays (tels que le Myanmar, l’Inde et le Sri Lanka) et n’a jamais été établie dans d'autres (tels que le Cambodge, le Laos et la Thaïlande). Sans une pleine ordination, les nonnes ne sont pas considérées comme des membres de la Sangha et par conséquent reçoivent moins de soutien, moins d’opportunités d’éducation et moins de respect que les moines. Elles peuvent vivre dans des communautés indépendantes ou dans des communautés rattachées aux monastères des moines. Ces dernières années, certaines se sont investies dans le travail social et, depuis 1988, ont commencé à chercher à obtenir la pleine ordination. La plus importante communauté contemporaine de bhiksunis du Theravada se trouve au Sri Lanka, où près de 500 nonnes ont demandé la pleine ordination et ré-établi la Sangha de bhiksunis, faisant ainsi renaître l’héritage de Sanghamitra.

Nonnes des traditions du Mahayana

Les nonnes de la tradition du Mahayana pratiquent dans les lignées dérivant soit de Chine, soit du Tibet. Les lignées de nonnes qui ont été transmises en Chine depuis le Sri Lanka au quatrième siècle de l’ère chrétienne se sont par la suite disséminées en Corée, au Japon, à Taiwan, au Vietnam et à la diaspora chinoise en Indonésie, en Malaisie, aux Philippines, à Singapour et de par le monde. Les nonnes de ces traditions ont un style de vie qui s’est adapté pour répondre aux différentes conditions de vie dans des climats plus froids et à des cultures relativement différentes de celles de l’Inde. Au lieu d’aller mendier, elles reçoivent des dons de nourriture végétarienne qu’elles préparent elles-mêmes et complètent souvent leur régime alimentaire par des légumes qu’elles font pousser. Les nonnes de ces traditions portent des robes de teintes sombres de noir ou de gris, cousues dans un style dérivé des robes d'érudits de la dynastie des Tang. On estime qu’il y a 20.000 nonnes en Corée, 2000 au Japon, 20.000 à Taiwan, 14.000 au Vietnam, plusieurs milliers en Chine et des centaines de plus dans les communautés chinoises d’outre-mer.

La tradition de bhiksuni est bien établie dans la plupart des communautés Mahayana. Les femmes qui souhaitent devenir nonnes sont formées sous la guidance de bhiksunis senior, même si elles peuvent apprendre à méditer et étudier les textes sacrés indifféremment avec des nonnes ou des moines. Les nonnes de ces communautés se rassemblent tous les matins et soirs pour chanter les sutras en chinois, les mantras en sanskrit et prier dans leurs propres langues. À certaines dates spécifiques du calendrier lunaire, elles organisent des rassemblements du Dharma dédiés à des Bouddhas et des bodhisattvas spécifiques chantant pendant plusieurs heures matins et soirs, parfois pendant plusieurs jours. Les pratiques dévouées à Amitabha, le Bouddha de la vie et de la lumière infinie, et Avalokitesvara (Guanyin en chinois), le bodhisattva de la compassion, sont particulièrement courantes. Un grand nombre de femmes laïques de la communauté avoisinante rejoignent les nonnes pour ces occasions spéciales et font de généreuses offrandes de nourriture, de fleurs et d'argent pour soutenir les dépenses habituelles des communautés de nonnes. Dans cette relation réciproque, les nonnes offrent des enseignements du Dharma, de méditation, font du conseil familial, organisent des cérémonies de funérailles, soutiennent dans le deuil, organisent des camps du Dharma pour les enfants et jeunes adultes, des classes de cuisine végétarienne, d’arrangement floraux et autres.

Durant ces dernières décennies, le Bouddhisme a prospéré dans la plupart des pays du Mahayana, en grande partie dû à la dévotion et à l'important travail des nonnes. Faisant preuve d’une sage prévoyance, les bouddhistes de ces pays ont mis en place de nombreuses nouvelles institutions éducatives proposant un programme de quatre ou cinq ans d’études bouddhiques tout autant pour les moines et les nonnes que les laïques. Grâce à ces vastes programmes d’enseignement et de formation les nonnes sont devenues très actives dans la société et ont élargi la gamme de leurs services à la publication, la traduction, la santé, le travail social avec les prisons, les programmes pour les enfants, les soins aux seniors, le travail en hospice et de nombreuses autres activités.

Nonnes des traditions tibétaines

L’histoire des nonnes bouddhistes de la tradition tibétaine est très longue, mais comme les histoires des femmes dans d'autres parties du monde, elle n'a pas été enregistrée ou si peu. Outre le Tibet, la région culturelle tibétaine inclue le Bhoutan, la Mongolie, les régions montagneuses du Népal, la Bouriatie, la Kalmoukie et d’autres régions de l’ex-Union Soviétique ; les régions de Kinnaur, Ladakh, Lahaul, Spiti et du Zangskar bordant l’Himalaya ainsi que la communauté tibétaine en exil en Inde, au Népal et dans d’autres pays. Les nonnes vivent dans la plupart de ces régions, mais en nombre et en influence bien inférieurs à ceux des moines. Elles vivent généralement en suivant les dix préceptes de sramanerikaa (sous-divisés en trente-six) et sont reconnues comme membres de la Shangha. Même s’il existe des références aux bhiksunis disséminées dans les textes tibétains, la lignée de pleine ordination pour les femmes n’a jamais été officiellement établie dans cette tradition. Le voyage par-delà l’Himalaya enneigée de l’Inde au Tibet était suffisamment périlleux pour les moines, sans parler des nonnes.

On estime que 1290 nonnes de la tradition tibétaine vivent en Inde et au Népal. Au moins autant vivent au Tibet, en dépit de l’occupation communiste, mais il est difficile d’en obtenir un nombre exact. La majorité de ces nonnes sont engagées dans des pratiques contemplatives, incluant la méditation et les pratiques de rituels tantriques de la tradition Vajrayana. À travers ces pratiques de visualisation de soi sous la forme d'un bodhisattva ou Bouddha pleinement illuminé, on pense qu’il est possible d’obtenir toutes les qualités éclairées du yidam (la déité de méditation). Par exemple en méditant sur soi-même sous la forme d’Avalokitesvara (Chenresig en tibétain), le bodhisattva de la compassion, la personne graduellement acquière la qualité de la parfaite compassion. Selon les croyances de la tradition tantrique, une personne peut atteindre l’illumination dans ce corps et dans cette vie même. Par conséquent on présume qu’il est possible d’atteindre l’éveil parfait d’un Bouddha sous une forme de femme. Certains des Bouddhas et des bodhisattvas les plus populaires, tels que Tara et Vajrayogini sont des femmes et sont utilisées comme supports de méditation aussi bien par des femmes que par des hommes.

Jusqu’aux années 1980, la plupart des nonnes de la tradition Tibétaine se concentraient principalement sur les chants, les rituels et la méditation. À cause de la tradition de ségrégation des monastiques hommes et femmes, les programmes d'études bouddhiques systématiques proposés dans les trois grandes universités monastiques ré-établies en Inde du Sud (Drepung, Ganden et Sera) et l’Institute in Buddhist Dialectics à Dharamsala n’étaient pas ouverts aux nonnes. Elles pouvaient recevoir des enseignements en privé et au cours de grands rassemblements publiques, mais n’avaient pas accès à l’étude systématique des textes sacrés. Le monastère idéal pour les nonnes était situé dans une zone recluse, ce qui limitait le contact des nonnes avec la société laïque, mais limitait également l’accès des nonnes à l’éducation religieuse, à l’exception des festivals bouddhistes. Les invasions communistes au Tibet, en Mongolie et dans les régions du bouddhisme soviétique aux vingtième siècle ont eu des conséquences tragiques pour les nonnes, ainsi que les moines et les laïques. En conséquence, les nonnes ont rarement acquis une éducation religieuse approfondie ou une reconnaissance en tant qu’enseignantes du Dharma.

En dépit de ces obstacles, la vie des nonnes a beaucoup changé dans la région culturelle tibétaine ces vingt dernières années. C’est avec enthousiasme que les nonnes ont demandé des enseignements et une guidance auprès de Sa Sainteté le Dalaï-Lama et d’autres lamas éduqués au Tibet avant l’invasion communiste. Inspirées par ces enseignants et également encouragées par les idées féministes d’autonomisation des femmes, les nonnes ont travaillé pour mettre en place des programmes d’études et des centres de pratique pour les femmes bouddhistes dans la région de l’Himalaya. Les initiatives sur l’éducation ont créé de nouvelles opportunités pour les nonnes, leur permettant d'étudier la philosophie et l’art des débats. Partant de la ville de Dharamsala en Inde et se disséminant au Népal et aux régions bordant l’Himalaya, les nonnes de la tradition tibétaine étudient maintenant un rigoureux curriculum monastique de dialectique bouddhiste et organisent des rencontres annuelles de joutes oratoires. Les monastères sont presque débordés de nonnes étudiant ces textes exigeants avec beaucoup de ferveur. Avec plus de soutien et une meilleure éducation les nonnes acquièrent une meilleure confiance en elles-mêmes, un certain respect et une reconnaissance. Elles sont maintenant en mesure d’apporter une plus importante contribution à la préservation et à la dissémination de leur héritage bouddhiste.

Les nonnes Bouddhistes dans la société moderne

L’année 1987 fut une année charnière pour les femmes bouddhistes et tout particulièrement pour les nonnes. Cette année-là, les nonnes furent le sujet majeur de la toute première conférence internationale de Sakyadhita sur les femmes bouddhistes. La décision de se concentrer sur les nonnes fut prise en toute connaissance de cause, résultant de la prise de conscience des épreuves et des discriminations sexuelles auxquelles les nonnes étaient en permanence confrontées. Les nonnes étaient négligées dans de nombreux pays et manquaient de nourriture, de soins de santé et d'éducation adéquats. Le besoin d’éducation était si important que de nombreuses nonnes à la conférence défendirent le point de vue que l’éducation devrait être l’axe principal de Sakyadhita, la nouvelle organisation internationale des femmes bouddhistes. La lettre inaugurale adressée par S.S. le Dalaï-Lama fut un grand honneur pour les femmes bouddhistes et son insistance sur l'importance de l'éducation des femmes fut très encourageante. Cette première conférence de Sakyadhita a été le point de départ qui a mobilisé les femmes bouddhistes à rechercher des solutions pour améliorer les conditions des femmes, particulièrement celles des nonnes dans toutes les traditions. L’une des idées conductrices de l’organisation a été de faire en sorte que toutes les bouddhistes, de toutes les nations, aient accès à l’ordination ainsi qu’au plus niveau d’éducation et d’engagement aux idéaux bouddhistes.

Depuis 1987 de nombreux programmes et institutions au bénéfice des nonnes ont été mis en place. Un réseau international de femmes bouddhistes a conduit à des échanges d’informations et de ressources donnant naissance à de nombreux nouveaux monastères, centres de retraite et programmes d’études. Les donateurs des pays économiquement développés, particulièrement les nonnes bouddhistes de Taiwan et d’autres pays, ont aidé les femmes des pays en voie de développement à établir des programmes d’alphabétisation, des écoles, des centres de méditation, des refuges pour les femmes, des cliniques médicales et des orphelinats. Les nonnes des pays où la pleine ordination n’existait plus ont commencé à recevoir les préceptes de bhiksuni de la part des nonnes Chinoises, Coréens, Taiwanaises et Vietnamiennes. Depuis 1988 près de cinq cent nonnes du Sri Lanka ont reçu la pleine ordination de nonnes Coréennes et Taiwanaises, ce qui a conduit au renouveau de la Shanga des bhiksunis au Sri Lanka. Des nonnes de Thaïlande, d’Indonésie et des pays occidentaux ont également reçu la pleine ordination de cette manière.

Regard tourné vers le futur

Tout au long de l’histoire bouddhiste ont existé des nonnes remarquables, mais les vies de ces nonnes ont généralement été éclipsées par celles des moines. Dans les sociétés patriarcales bouddhistes, où la préférence était donnée à l’enfant mâle dans les familles, à l’école et dans les monastères, les fillettes étaient confrontées à des difficultés pour obtenir de la nourriture, des soins de santé, une éducation et le droit de vivre une vie contemplative. Même si les femmes bouddhistes avaient la possibilité de poursuivre une vie religieuse, les nonnes disposaient de peu de soutien, ne recevaient pour ainsi dire pas d’éducation et étaient souvent négligées. Durant ces vingt dernières années s’est développée une prise de conscience des inégalités qui existent entre les nonnes et les moines et des changements sont en cours pour remédier à ces inégalités.

Avec une nouvelle éthique mondiale de justice sociale et d’égalité pour les femmes, les inégalités présentes dans les sociétés bouddhistes ont été exposées comme étant contraires aux idéaux du bouddhisme. Le Bouddha est souvent considéré comme un modèle d’égalité sociale et le bouddhisme généralement considéré comme une voie offrant des opportunités égales pour tous, indépendamment de l'ethnie, de la classe sociale ou de genre. La disparité entre les idéaux sociaux du bouddhisme et les inégalités qui existent dans les sociétés bouddhistes ne peut plus rester ignorée. Pour que le bouddhisme soit considéré comme une ressource pour un changement positif dans la société contemporaine, les bouddhistes doivent rectifier les injustices sociales qui existent dans leurs propres sociétés et institutions et aligner les réalités sociales avec leurs enseignements. Pour les femmes, cela signifie avoir les mêmes possibilités en ce qui concerne l'éducation, l’ordination et l’accès aux enseignements bouddhistes. Ces changements ne doivent pas être symboliques ou cosmétiques ou occasionnels, mais approfondis et véritables, ce qui exige une transformation des attitudes vis-à-vis des femmes. Pour prouver que les bouddhistes agissent de bonne foi et que leurs enseignements ont véritablement le pouvoir de transformer la société, les femmes bouddhistes doivent avoir une voix et des opportunités égales pour pouvoir réaliser leur accomplissement personnel et atteindre l'illumination. Les changements qui émergent actuellement pour les femmes bouddhistes de par le monde sont très encourageants et peuvent devenir un phare d'espoir pour les femmes dans d’autres sociétés.


Lectures complémentaires

  • Sid Brown, The Journey of One Buddhist Nun: Even Against the Wind. Albany, NY: State University of New York Press, 2001.
  • Kim Gutschow, Being a Buddhist Nun: The Struggle for Enlightenment in the Himalayas.
  • Ayya Khema, I Give You My Life : The Autobiography of a Western Buddhist Nun. Boston: Shambhala, 1998.
  • Karma Lekshe Tsomo, Buddhist Women Across Cultures: Realizations. Albany, N.Y.: State University of New York Press, 1999.
  • Buddhist Women and Social Justice: Ideals, Challenges, and Achievements. Albany, N.Y.: State University of New York Press, 2004.
  • Sakyadhita: Töchter des Buddha.
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